Panthéon: I, Zombie: The Chronicles of Pain (1998)

Hé! Si je vous disais qu’un des meilleurs films de mort-vivant est totalement inconnu au bataillon, y compris chez les bisseux? Et qu’il est l’argument parfait pour vous pousser à tenter le visionnage de films à priori fauchés et mal notés… qui se révèlent être de parfaites pépites?

Premier long métrage de l’anglais Andrew Parkinson, I, Zombie (connu également sous les titres francophones Moi, Zombie: Chroniques de la douleur ou Mémoires d’un zombie) est une variation très originale sur la figure du zombie sous la forme d’un drame psychologique, horrifique et introspectif. Le scénario (signé Parkinson également) est pourtant extrêmement simple: Mark, un jeune botaniste se fait mordre par un zombie lors d’une balade champestre. Nous allons alors le suivre dans son petit appartement, au quotidien, dans ses observations/pensées (en bon scientifique qu’il est), sa recherche de chair humaine, spectateur de sa lente dégradation physique/mentale… Car oui, malgré sa nouvelle « maladie », la conscience de notre héros, elle, ne pourrit pas. Huis clos physique, mental et matériel (l’appartement du protagoniste) donc, entrecoupé de souvenirs/rêves/hallucinations (quasi expérimentales par moments) et de changement de points de vue (apportant un peu de « légèreté » au récit et montrant quelques scènes d’extérieur), I, Zombie utilise également une voix off, une des grandes forces du film, évitant tout dialogue superflu ou subterfuge artificiel de mise en scène (plutôt ingénieuse ici). Filmé avec les moyens du bord (à savoir une caméra 16 mm) qui renforce son aspect réaliste et documentaire, ce journal de bord filmique touche à des thèmes durs mais profondement humains, bien loin de la simple exploitation horrifique, comme la solitude, l’isolement social et la détresse affective, la folie, la rupture amoureuse, le deuil, la maladie, la mort,… Le spectateur ne peut alors que s’identifier à Mark.

Si son concept minimaliste, son visuel « téléfilm », sa thématique glauque et son rythme lancinant ne plairont clairement pas à tout le monde (évitez de regarder ce film si vous avez une petite tendance dépressive, par exemple), on ne peut que déplorer la rareté de métrages horrifiques parvenant à autant de réalisme et d’intensité dramatique. Car oui, pour les plus aventureux d’entre vous, I, Zombie arrivera à faire émerger de purs moments de spleen (dans la tragédie sans retour possible qui touche Mark) que vous ne retrouverez pas ailleurs. Ici pas de scène d’action spectaculaire, de recherche de remède ou du patient zéro mais bien une agonie interminable sur tous les plans possibles. Le casting est composé de proches ou des connaissances du réalisateur (acteurs de théâtre amateurs pour la majorité). Saluons la performance solide de Giles Aspen (dont c’est hélas le seul et unique film) qui porte totalement le métrage sur ses épaules. Ellen Softley y incarne Sarah, la touchante fiancée de Mark et reviendra dans les autres films du réalisateur. La musique (Parkinson…again!) est simple mais diablement efficace (écoutez moi ça, bord*l!). Côté influences et références, on pensera tour à tour à la body horror de Cronenberg (La Mouche particulièrement), à Tetsuo, au Mort-Vivant, à Martin, à Angst… bref, à tous les films où la véritable monstruosité est le sort réservé au héros (sauf Angst tout de même). Son propos social le rapprochera évidemment d’un Romero. Malgré que le film soit auto-financé, les maquillages sont réussis (Paul Hyett à ses débuts) et là encore, le réalisateur réussit le tour de force de ne virer dans le véritable gore qu’à la toute fin du film. De la même façon, il évite à son drame de basculer dans l’excès de pathos, en supprimant la maximum de longueur ou répétition.

Tourné et monté sur deux ans (il faudra en tout et pour tout quatre ans au film pour sa conception) et passé totalement sous les radars à l’époque de sa sortie (malgré un prix remporté au Festival of Fantastic Films et sa distribution par le magazine Fangoria), cet OVNI audacieux et intelligent connaîtra tout de même une suite spirituelle en 2001, Dead Creatures, du même réalisateur. Son concept sera repris par plusieurs films plus tardifs: Colin, Zombie Honeymoon, Thanatomorphose, Contracted,… Un pur film d’auteur qui vous restera en tête longtemps après le visionnage. Avec plus de budget et une meilleure exposition, je n’ose imaginer l’impact qu’il aurait pu avoir sur le cinéma de genre…

Bonus: Interview du réalisateur en 1998

Note: Pépite

https://www.imdb.com/fr/title/tt0210740/

A l’Affiche: Mars Express (2023), Juré n°2 (2024)

Mars Express: C’est tellement rare qu’un animé français (de science-fiction qui plus est) fasse date aux yeux du public! Il était donc grand temps de rattraper ce Mars Express! Cette oeuvre est la première réalisation de Jérémie Périn, le créateur de la série animée Lastman, aidé ici par Laurent Sarfati au scénario. Thriller futuriste et néo-noir passablement influencé par Blade Runner, Métal Hurlant, Ghost in the Shell et Terminator 2 (oui, oui, rien que ça), servi par un dessin épuré mais efficace, le métrage accroche le spectateur autant par la vision plutôt dystopique… mais hélas crédible qu’il propose (une société où l’homme a colonisé Mars et dans laquelle androïdes et robots sont omniprésents) que son histoire (un duo d’enquêteurs chargés de retrouver une étudiante en cybernétique qui pourrait changer l’avenir). Ce n’est certes pas le premier film à aborder la thématique de la révolte/prise de conscience des IA/robots sur fond de société hyper-technologique, urbaine et décadente mais ce Mars Express le fait admirablement bien, entre poussées de violence, corruption des institutions et final poétique à souhait. Il semblerait qu’il ait même très bien digéré ses influences! Un animé riche et bien rythmé, qui, en définitive, parle autant de nos maux modernes que de notre potentiel futur!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/fr/title/tt26915336/

Juré n°2: On le sait, les thématiques américano-centrées, humanistes et morales parsèment la carrière du réalisateur Clint Eastwood. C’est encore ici le cas avec ce père de famille qui, ironie du sort, se retrouve jury lors d’une affaire judiciaire dans laquelle il découvre qu’il est personnellement impliqué. Thriller dramatique porté par d’excellents acteurs (Tony Colette surclassant Nicholas Hoult, à mon sens), un sens du rythme et de la mise en scène (classique mais efficace, comme d’habitude) mais également une jolie photographie, ce film est clairement une des plus belles surprises de 2024. Evidemment, avec un tel synopsis, le spectateur peut facilement se mettre dans la peau du personnage principal et son dilemme moral de taille. Si Eastwood a eu l’intelligence de parsemer ce huis clos mental de quelques scènes d’extérieur, Juré n°2 évite aussi les lourdeurs et le pathos inutile en dosant les flashbacks et les moments consacrés à la famille du héros (saluons donc Jonathan A. Abrams au scénario. Le principal reproche que j’aurais à faire est de ne pas avoir poussé l’ambigüité de cette « surprise » jusqu’à la fin du métrage, ce qui aurait conduit à un twist final d’autant plus puissant. Quoiqu’il en soit, un bon film sur une institution malade! Mais contrairement au Cas Richard Jewell (qui lui aussi parlait de justice), le métrage ne laisse pas sur sa faim! Vu les naufrages récents des réalisateurs d’un certain âge, on ne va certainement pas bouder notre plaisir pour cet ultime film du grand Blondin!

Note: Solide

https://www.imdb.com/fr/title/tt27403986/

Bisseries: Calvaire (2004), Bleeder (1999)

Calvaire: Voilà un premier métrage belge qui n’est pas passé inaperçu lors de sa sortie grâce à son ambiance rurale et glauque dont Massacre à la tronçonneuse semble être une des principales influences (on aura même droit à un remake de la scène oh combien douloureuse du dîner). Même si de l’aveu de son réalisateur Fabrice Du Welz, il faut plutôt chercher celle ci du côté de La Traque (que je n’ai toujours pas vu au moment où j’écris ces lignes). Ici, nous suivons Marc, un chanteur itinérant qui se perd en forêt après un gala et va être recueilli par Bartel, un hôte pour le moins étrange… Survival porté par un Jackie Berroyer tout en nuances (alternant comique, malaise, pathétique, touchant, inquiétant,…) qui perce littéralement l’écran et un Philippe Nahon bourru comme à son habitude (je vous ai déjà dit que j’adorais Seul contre tous?), Calvaire possède un scénario relativement épuré mais efficace, alternant huis clos et scènes de traque dans un décor crépusculaire et dégénéré où le sens moral est aussi absent que les personnages féminins. Même si le jeu de certains acteurs frise l’approximatif (et c’est surtout le cas de Laurent Lucas campant le premier rôle…un comble pour un survival), le film se permet quelques petites notes d’humour (noir) bien senties et de petites variations surprenantes sur les archétypes du genre. Une certitude: Calvaire porte bien son nom et vous ne sortirez pas indemne de ce cauchemar poisseux…où demander de l’aide au voisin pourrait vous coûtez (très) cher!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0407621/

Bleeder: Rare pellicule de Refn que je n’avais pas encore vu à ce jour, Bleeder s’avère être un efficace drame/thriller comme l’a été sa trilogie Pusher tournée durant la même période (avec laquelle le film partage d’ailleurs son casting principal: Mikkelsen, Bodnia et Buric). Embrassant une nouvelle fois la thématique de la violence pulsionnelle et de la fatalité (thèmes devenus majeurs chez Refn), on y perçoit également une large part autobiographique au travers du personnage de Lenny (offrant ainsi un hommage à ses réalisateurs favoris) et bien sûr celle de la paternité, de l’amour, de la solitude. Disons le clairement, le plus gros défaut de ce film est son manque de budget, avec parfois des moments de flottement et des faiblesses d’écriture. Mais il offre tout de même de jolis moments de noirceur (façon descente aux enfers) et même de poésie (comme avec celui du timide couple naissant Lenny/Léa) au sein d’une banlieue populaire de Copenhague glauque comme jamais! On peut également noter un sens de la mise en scène déjà en place et il est assez marrant de constater que le personnage de Lenny, le weirdo de la bande, est finalement le personnage le plus normal de tous car imperméable à la violence (certainement car c’est le seul à poursuivre un but et avoir des passions). Entre Pusher et Drive, laissez une chance à ce Bleeder!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0161292/

L’Envers du Culte: Les Yeux sans visage (1960), Ne vous retournez pas (1973)

Les Yeux sans visage: Classique incontournable de l’épouvante/fantastique vintage, ce métrage de Georges Franju a passablement vieilli, malgré sa sobriété et son esthétisme certains. Mais s’il reste empreint d’un certain classicisme pour nos yeux modernes et blasés, cette adaptation du roman de Jean Redon aura eu une influence avérée sur le cinéma de genre (pour n’en citer que deux: le Halloween originel ou encore l’excellent La Piel que habito) et a dû terrifier un bon nombre de spectateurs à l’époque (les scènes sanglantes ne nous sont pas épargnées et sont relativement efficaces/réalistes, en poussant un peu, on peut même y voir les prémisses du body-horror) au delà même de son script de départ, notamment avec cette relation père-fille malsaine à souhait (et que dire de celle avec sa secrétaire?). On pensera à la série des Frankenstein bien sûr mais aussi à Psychose sorti la même année. La fin est assez inattendue et sa poésie vous marquera au moins autant que le reste du métrage! Pour une des rares excursions françaises dans le cinéma d’épouvante (flirtant comme il faut avec le drame, au travers de ses personnages fouillées), on peut dire que c’était encourageant!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0053459/

Anecdotes:

Le masque du film (en latex, novateur pour l’époque) a été conçu par Georges Klein, responsable des effets spéciaux sur le Notre Dame de Paris de 1956 mais également par Charles-Henri Assola qui travaillera sur Moonraker et Possession (pépite hallucinée encore trop méconnue).

Le temps d’une scène, Pierre Brasseur (qui joue l’antagoniste du film) donne la réplique à son fils, un certain Claude, qui interprète ici l’assistant de l’inspecteur Parot.

Jess Franco s’inspirera du film pour L’Horrible Docteur Orlof et sa suite spirituelle, Les Prédateurs de la Nuit.

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Ne vous retournez pas: Puisqu’on parle de film sur le deuil (sous toutes ses formes), voyant revenir plusieurs fois ce drame (teinté de thriller et de fantastique) dans diverses listes et classements, la curiosité a été plus forte que tout! Au final, c’est surtout l’incompréhension qui gagne car le métrage accuse clairement le poids des nombreuses décennies, en plus de souffrir d’un gros souci de rythme. Narrant l’histoire d’un couple passablement fragilisé par la mort accidentelle de leur fille (opposant une femme assez crédule à un homme plutôt sceptique mais assailli de prémonitions) et mené par de redoutables acteurs (Julie Christie et Donald Sutherland), il se révèle finalement assez prévisible dans l’ensemble (seule la fin relève un peu le niveau) même si le suspense est admirablement entretenu. On aura en revanche rarement vu une Venise aussi glauque, autant par son aspect labyrintique, la photographie que par la descente aux enfers de ce couple ou la présence d’un tueur qui rôde dans les alentours. Le véritable tour de force de Ne vous retournez pas réside surtout dans cette de superposition croissante et alternée de réalité et de fantasmes, de passé et de présent, de visions et de doutes, rendant le quotidien de ce John Baxter aussi paranoïaque que le spectateur lui même! Pas très loin d’un De Palma ou d’un Polanski tout compte fait!

Note: Dispensable

https://www.imdb.com/title/tt0069995/

Anecdotes:

  1. Ce métrage est une adaptation de la nouvelle éponyme de Daphné du Maurier parue en 1971. Ce n’est pas la première fois que l’écrivaine est adapté sur grand écran: en effet les deux films d’Hitchcock: Rebecca et Les Oiseaux sont également issus de son oeuvre.
  2. Si le film a traversé par une influence hitchockienne évidente (la boucle est bouclée!), il a eu une influence sur des réalisateurs majeurs du genre: Dario Argento, Danny Boyle, Ari Aster, David Cronenberg,…
  3. La scène de sexe passionné au début du film a fait grand bruit et vaudra au film les foudres de la censure dans de nombreux pays.
  4. Les couleurs rouge et verte sont présentes dans la majorité des plans du film.