Bisseries: Toutes les couleurs du vice (1972), Beauty Water (2020)

Toutes les couleurs du vice/Tutti i colori del buio: Autre giallo 70’s de l’artisan-joaillier transalpin Sergio Martino, sorti la même année que son Ton Vice est une chambre close dont moi seul ai la clef (titre à rallonge mais diablement évocateur!), Toutes les couleurs du vice (également connu sous le titre L’Alliance Invisible) est un film inspiré, audacieux et surprenant, quelque part entre Rosemary’s Baby et Le Venin de la Peur. Porté par la divine et charismatique Edwige Fenech (alors belle-soeur du réalisateur) et des seconds rôles de choix (George Hilton, Nieves Navarro, Ivan Rassimov), ce giallo fantastique brille également par sa mise en scène, ses décors londoniens, sa gestion du doute/suspense (la scène de poursuite dans le métro, put*in quelle claque!) et sa bande sonore signée Bruno Nicolai. Balancé entre influences psychédéliques, gothiques et whodunit (même si on a clairement aussi des éléments proto-slasher), il ne se contente pas d’être une énième redite d’Argento, Bava et compagnie (pile au moment où la folie giallo est à son paroxysme, c’est louable) et se permet même de jolies allégories sur la crise du couple et l’isolement social. Pas impossible non plus qu’il ait inspiré Suspiria à sa façon! Rappelons aussi à cette occasion que bien avant le slasher, le giallo avait pris le parti de mettre en avant les femmes à l’écran… et pas seulement dans des rôles de potiches ou de victimes. C’est encore le cas ici. Ce qui est sûr, c’est qu’on va se faire un cycle giallo d’ici peu qui risque de me régaler!

Note: Solide

https://www.imdb.com/fr/title/tt0069390/

Beauty Water: Film d’animation coréen (ça change un peu!) généreux en body horror, Beauty Water vous fera certainement penser à The Substance au vu des thématiques similaires (culte du corps, réseaux sociaux,…) et de son produit miracle, capable de remodeler le corps à volonté! Mais également à Society et American Psycho car évidemment la recherche de célébrité et de beauté à tout prix se paye (très) cher! Oui, vous l’avez compris, ce métrage n’est pas un simple film de divertissement bête et méchant mais également une critique (facile, certes) de la modernité (et certainement de tout un pan de la société coréenne). On regrettera juste une animation trop simpliste par moment (même si les « effets spéciaux » sont particulièrement réussis sans sombrer dans l’excès) et un personnage principal pour lequel il est difficiel de ressentir de l’empathie! Un bon petit film mais qui ne va pas réellement au bout de son concept!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/fr/title/tt12354886/

Bisseries: Messiah of Evil (1973), L’Emmurée Vivante (1975)

Messiah of Evil: Entamé il y a des années, il était temps de ré-essayer celui ci! Il faut dire que le rythme du métrage rebute pas mal le spectateur non aguerri! Et finalement, on découvre un film avant gardiste et unique en bien des points! Côté points forts, l’ambiance cauchemardesque/lovecraftienne à souhait (façon Le Cauchemar d’Innsmouth), la variation moderne sur la thématique zombie (ou plutôt goule/vampire) des années avant le Zombie de Romero et évidemment les décors inquiétants comme jamais/jeux de lumière (Mario Bava n’est jamais loin). Côté plombs dans l’aile maintenant: le rythme sous laxatif donc, les personnages aux réactions lunaires (en particulier le trouple) et la bande-originale quelquefois à la ramasse. Un film fatalement inégal certes mais qui reste une véritable expérience cinématographique, tout en suggestions, avec de superbes passages hallucinés. Bref de l’épouvante vintage dans le sens noble du terme, à ranger sans forcer à côté d’un Carnival of Souls!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0071396/?ref_=nv_sr_srsg_0

L’Emmurée Vivante: Véritable pépite vintage et dernier giallo de ce cher Lucio Fulci avant de basculer dans sa période zombies 1979-1981 (L’Eventreur de New York étant plutôt un sympathique mélange de slasher et de giallo comme La Baie Sanglante de Bava ou encore Torso de Sergio Martino) qui se concentre totalement sur son scénario et son twist final (génial pour l’époque) au lieu de donner bêtement dans les codes du genre (sexe, violence, jeux de lumières,…). Dans celui ci, les notions de machination, de destin et de tragédie (propres aux gialli et aux thrillers) prennent tout leurs sens (Fulci aurait été passablement marqué par les travaux d’Antonioni), je ne vous en dirais pas plus! On appréciera au passage l’excellente prestation de Jennifer O’Neill (vue également dans Scanners) et la partition mémorable de Fabio Frizzi! Si vous devez vous faire un seul giallo du Monsieur, c’est celui ci, en gardant à l’esprit que ce n’est pas le plus graphique (même si la mise en scène vaut largement le coup d’oeil)!

Note: Solide

https://www.imdb.com/title/tt0075614/?ref_=nm_flmg_dr_27

L’Envers du Culte: Carnival of souls (1962), La Baie sanglante (1971)

Carnival of Souls/Le Carnaval des Âmes: Mon premier rapport avec Carnival était un vieux docu sur le cinéma de genre diffusé à la TV pour Halloween dans les années 1990 (ok millenial!) suivi du film de Herk Harvey (qui joue le « revenant » principal dans ce film). Mais trop jeune pour ce genre de film tout en ambiances subtiles, je n’ai jamais réussi à passer le cap. Jusqu’à aujourd’hui! Et ma foi, c’est plutôt une bonne surprise, à classer dans les films à petit budget, bien rythmé, qui propose de vrais moments de bravoure, à l’instar de Messiah Of Evil (qu’il serait grand temps que je retente). Unique rescapée d’un accident de la route, la protagoniste (incarnée par Candace Hilligoss, qui porte totalement le film sur ses épaules et est d’ailleurs la seule actrice professionnelle de la distribution) se met à avoir des visions impliquant un homme à l’aspect livide et un grand bâtiment abandonné, près d’un lac. Le noir & blanc est superbe, certains plans très inspirés et le propos est assez avant gardiste (rôle de femme forte, flou entre réalité et visions, malédiction dont on ne peut se défaire, motifs récurrents,…). Même si son final est prévisible aujourd’hui, le traitement des « revenants », à la lisière entre spectres et zombies de Romero est original et donne du sens au scénario. En le regardant, on pense tour à tour à Shining, Eraserhead, L’Au Delà ou encore La Nuit des morts vivants, tous sortis ultérieurement, c’est dire le potentiel de la chose! Hélas ni Hilligoss ni Harvey (dont c’est le seul long métrage) ne feront une grande carrière par la suite, le film faisant un bide lors de sa sortie, comme (hélas) beaucoup trop de films qui sont réévalués une ou plusieurs décennies trop tard. Un film qui sait proposer de vrais instants de poésie et de jolies trouvailles visuelles sans jamais cesser d’être inquiétant (on fleurte d’ailleurs avec le thriller psychologique ici), quoi qu’il en soit!

Pour aller plus loin (eng)!

Note: Solide

https://www.imdb.com/title/tt0055830/

Anecdotes:

  1. Candace Hilligross tentera de mettre en route une suite dans les années 1980 mais le projet lui échappera et elle sera même écartée du film. Un remake verra finalement le jour mais sans réel lien avec le métrage originel.
  2. Le film a été tourné en trois semaines. L’idée de départ est venue au réalisateur pendant la visite du lieu-clé du métrage: le parc de loisirs Saltair (près de Salt Lake City). Le film est en partie inspiré du moyen métrage La Rivière du Hibou mais aussi un épisode de The Twilight Zone/La Quatrième Dimension (The Hitch-Hiker).
  3. Herk Harvey confesse avoir été influencé par Bergman et Cocteau.
  4. Une partie du budget du film (33 000 dollars) a été financée par des particuliers et plusieurs scènes ont été possibles en payant directement les propriétaires des lieux une fois sur place.
  5. Détail technique, certaines scènes sont colorisées à la manière des films muets et au fur et à mesure du récit (et des hallucinations de son héroïne), d’autres ont une image et un son légèrement distordus!

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La Baie sanglante: Oui, La Baie sanglante est fidèle à sa réputation: inventif, sanglant, brutal, il est en ce sens un digne précurseur des slashers qui lui succèderont quelques années après (particulièrement la franchise des Vendredi 13, dont les deux premiers volets plagient sans vergogne certaines scènes: lac, victimes à peine majeures, multiples meurtres à l’arme blanche,… je ne vous fais pas un dessin) mais n’oublie jamais d’être un giallo: travail évident sur l’esthétisme (lumières bleues et rouges omniprésentes, éclairages) et la mise en scène (zooms, gros plans, plans séquences, jeu sur les profondeurs de champs), tout y est sauf l’enquête policière! Le petit plus de ce métrage (tardif dans la carrière d’un Mario Bava endetté et miné par un budget au rabais) est son traitement de ses personnages: vils, arrivistes, influençables, sans grandeur d’âme… il aurait très bien pu être tourné par Lucio Fulci tant le nihilisme et le pessimisme vis à vis du genre humain illustrent ce métrage! La Baie, objet de convoitises pour la majorité des personnages, génère ainsi un immense jeu de massacres où tout le monde sera au minimum acteur, témoin ou complice, la folie meurtrière se propageant comme une maladie virale! On compte parmi le casting une bonne poignée d’habitués des gialli: Claudine Auger (une des plus mémorables James Bond Girl), Luigi Pistilli (que tout le monde a déjà vu chez Leone), Laura Betti et j’en passe. Le vrai point noir est à chercher du scénario tiré par les cheveux et pas très finaud qui semble uniquement là pour appuyer le propos (Dardano Sacchetti, encore lui) ! A l’image de cette fin aussi sordide qu’incongrue!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0067656/

Anecdotes:

  1. A l’origine, les scènes de meurtre ont été écrites de manière indépendante. Il a donc fallu imaginer un récit pour les intégrer de façon cohérente.
  2. Tourné en partie dans la propriété d’un des scénaristes, Bava a dû faire preuve d’ingéniosité pour donner l’illusion que le lac est bordé par une forêt… avec seulement une poignée d’arbres à disposition. Le film a d’ailleurs été analysé comme étant un métrage furieusement écologique. Un de ses titres d’exploitation est d’ailleurs Ecologia del delitto (« écologie du crime »).
  3. Il s’agit d’ailleurs d’un des films qui possèdent le plus de titres alternatifs.
  4. Il faut attendre plus de huit minutes avant que la première réplique soit lancée.

Bisseries: Le Venin de la peur (1971), Chromosome 3 (1979)

Le Venin de la peur: Formant le quintet des giallis les plus connus du réalisateur avec Perversion Story (1969), La Longue nuit de l’exorcisme (1972), L’Emmurée vivante (1977) et L’Eventreur de New York (1982), Le Venin de la peur brille plus par quelques séquences (les hallucinations oniriques de Carol, sa poursuite avec le hippie) que par son rythme, relativement en retrait (les scènes d’enquête proprement dites plombant sérieusement le métrage). L’ambiance est à mi chemin entre Polanski, Hitchcock et De Palma, soit une bonne dose de paranoïa, d’érotisme, de doubles vies et de gore (Fulci échappera d’ailleurs de peu à la prison pour sa scène de vivisection jugée trop réaliste)! Les thématiques macabres et nihilistes sont bien présentes (on est en 1971 et la génération hippie en prend déjà pour son grade…la bourgeoisie aussi) et le jeu d’acteurs est solide. La mise en scène est excellente (on a encore droit à ces fameux zooms et ces gros plans sur les regards, typiques de l’italien) et son twist de fin vaut amplement le détour (et mériterait bien un second visionnage, du coup). Dans tous les cas, ce second giallo a le mérite de s’éloigner des canons du genre avec classe. A noter que c’est le légendaire Morricone à la musique.

Pour aller plus loin, autre superbe chronique de Psychovision: https://www.psychovision.net/films/critiques/fiche/805-venin-de-la-peur-le

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0067361/

Chromosome 3/The Brood: Rare vieux classique du canadien que je n’avais pas encore vu, The Brood s’avère un bon Cronenberg, drame horrifique teinté d’un fond social très intéressant quasi cathartique (le réalisateur venait alors de divorcer de sa première épouse, alors membre d’une secte refusant la psychiatrie et s’est vu contrait de lui arracher leur fille) et continue la piste de sa fascination pour l’horreur corporelle déjà bien entamé avec Rage deux ans avant. L’ambiance glauque (quasi cauchemardesque) caractéristique de ses premiers films est bien présente malgré le budget (1,5 millions), certains plans font déjà mouche et le fond se prête déjà à beaucoup d’interprétations: le « créateur » dépassé par les pouvoirs de sa « créature », les familles séparées se livrant des guerres ouvertes via l’influence/le discours qu’ils infligent à leurs enfants, les liens entre psyché et corps, la mémoire génétique, etc. Seules véritables ombres au tableau: certains seconds rôles assez moyens (Cindy Hinds en tête) et un script un peu répétitif à la longue. Métrage qui signe aussi le début d’une période faste pour Cronenberg, qui nous régalera pendant presque vingt ans (Existenz) avec son body horror des familles. Commencera alors une seconde période pour le réalisateur, plus verbeuse et analytique mais hélas assurément moins passionnante!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0078908/

Bisseries: Torso (1973), Abattoir 5 (1972)

Torso: Si Black Christmas est historiquement le premier slasher, alors Torso est effectivement un de ses plus beaux précurseurs (avec entre autres La Baie Sanglante d’un certain Mario Bava). Tueur cagoulé, gros plans sur l’arme du crime (et sur le gant du tueur, giallo oblige), filles réfugiés dans un endroit isolé, flashback sur le trauma du tueur, personnages les plus sexués qui meurent en premier, grosse louche d’érotisme et de voyeurisme, vue subjective, meurtres gores, « final girl », le contrat est ici parfaitement rempli! Avec en prime une superbe mise en scène, des décors somptueux et un twist final pas daubé du tout (façon torture psychologique)! Merci Sergio Martino et Ernesto Gastaldi (scénario)!

Note: Solide

https://www.imdb.com/title/tt0069920/

Abattoir 5: Adapté du roman de Kurt Vonnegut (lui même rescapé de Dresde), Abattoir 5 est un film dont la narration déconstruite raconte la vie de Billy Pilgrim, soldat américain rescapé de la Seconde Guerre Mondiale (plus particulièrement des bombardements de Dresde) dont la particularité… est de pouvoir de voyager dans le temps (dans le passé comme dans l’avenir). Gros point noir, le (trop) bon fond du personnage principal et l’aspect comique de certaines scènes sont un sérieux frein à la crédibilité de ce film, finalement assez vide et dont le seul intérêt est de développer sur un aspect méconnu de la dernière guerre… Dommage!

Note: Curiosité

https://www.imdb.com/title/tt0069280/